« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Hôtel du livre-échange

Monsieur Roups a le goût des livres, à condition que figure sur leur couverture le mot hôtel, exceptés, monsieur Roups a vraiment le goût de livres, les guides et les beaux livres. Ainsi Alain, qui a des lettres comme personne ne l’ignore plus, examina une offre qu’il n’avait jamais considérée jusqu’ici
Splendid Hôtel
Le Grand Elyseum Hôtel
La Petite fille de l’hôtel Métropole
Grand Hôtel du Pacifique
L’Hôtel du Grand Veneur
Bagdad Hôtel
Hôtel de l’Amitié
L’Hôtel des Sacrilèges
Hôtel Univers
L’Hôtel du libre-échange
Hôtel Bosphorus
L’Hôtel Stancliffe
Hôtel de l’insomnie
Hôtel Lutetia
Hôtel Rwanda
Hôtel de Dream
Hôtel Problemski
Hôtel des Adieux
L’Hôtel du New Hampshire
L’Hôtel du Nord
Hôtel Iris
Chelsea Hotel
Hôtel de l’Image
Chambre d’hôtel
Hôtel Gagarine
Love Hotel
Hôtel Styx
Hôtel Savoy
pour s’arrêter sur ce dernier :
« Ce matin, lorsque je suis arrivé, il avait légèrement plu ; comme le ciel s’était dégagé entre-temps, il me semblait que je n’avais pas dormi une journée, mais trois. Ma fatigue s’était évanouie ; mon cœur était en fête. J’étais curieux de connaître la ville, une nouvelle vie. Ma chambre me semblait familière, comme si je l’avais habitée depuis longtemps, la sonnette m’était connue ainsi que le bouton, l’interrupteur, l’abat-jour vert, l’armoire à vêtements, la cuvette. Tout m’était familier, comme dans une pièce où l’on a passé son enfance, apaisant, et me versait sa chaleur comme après de douces retrouvailles.
Il n’y avait de nouveau que la note affichée à la porte, sur laquelle on pouvait lire :
Après dix heures du soir, on est prié de ne pas faire de bruit. Les bijoux égarés n’engagent pas notre responsabilité. La maison possède un coffre.
Respectueusement,
KALEGOUROPOULOS, Propriétaire »

« Légèrement plu », hum… Alain était rentré trempé, une soupe, et son chapeau, une loque ; il le jeta par la fenêtre.
Il le portait depuis qu’il l’avait trouvé dans la rue, un jour venté, orphelin à la recherche d’une tête à sa dimension. Là, il aura rétréci. Il sera informe, interdit à toute tête à chapeau. Il pourrait poursuivre sa carrière à récolter de la monnaie au coin de la boulangerie.