« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Une trace claire sur le mur vide

— Maurice, je regrette Joséphine.
— Moi aussi, ça fait vide.
— Non, c’est pour ce vide que je l’ai retirée.
— Ça fait une trace plus claire.
— J’aime bien cette trace plus claire, pour moi c’est ça un souvenir.
— Pour moi Léa, c’est plutôt comme la nostalgie.
Maurice et Léa se sont tus. La nuit a conquis les volumes et les êtres qui s’y plaisent (sauf Ristourne). La trace claire est toujours claire, peut-être même un peu plus.
— Mais depuis, Alain ne vient plus nous voir.
— Il doit être en voyage, quelque part en Patagonie, ou en Tasmanie, comme à son habitude.
— Il doit être amoureux.
Léa allume la lampe. La lumière ne se manifeste pas exactement aussitôt le clic.
— « Elle se leva. Je m’énervai à l’extrême (comme si Faustine avait entendu ce que j’étais en train de penser, comme si je l’avais offensée). Elle s’en alla prendre un livre qu’elle avait laissé, dépassant le sac, sur un autre rocher, à environ cinq mètres de là. Elle revint s’asseoir. Elle ouvrit le livre, posa la main sur une page, demeura ainsi, comme assoupie, à regarder le soir. »
Léa avait ouvert le livre à la page 71.