« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Une girafe bien anecdotique dans le paysage

Alain descend à l’hôtel de la Girafe pour le plaisir de dire qu’il descend à l’hôtel de la Girafe. C’est l’humour d’Alain. L’hôtel de la Girafe est bien tenu, de bas en haut et de haut en bas, sans ascenseur, une girafe ne prend pas l’ascenseur. C’est l’humour d’Alain qui ajoute qu’il est même bien peigné, l’hôtel bien sûr, car, quant à lui… (il passe sa main sur son crâne). Il est bien tenu par Mr Roups, Irénée, gérant de l’hôtel de la Girafe depuis 1828. Monsieur Roups ne fait pas son âge. C’est l’humour d’Alain qui reprend une blague de monsieur Roups à propos de son âge qu’il ne fait pas et cela depuis son plus jeune âge. Quel âge me prêtez-vous avait demandé monsieur Roups à Alain quand il descendit pour la première fois à l’hôtel de la Girafe ? En tout cas il avait dix ans de moins qu’aujourd’hui, faites le calcul. L’humour d’Alain consiste à endosser l’humour des autres, un humour de coucou en quelque sorte, comme la girafe qui ne prend pas l’ascenseur ou que l’hôtel de la Girafe est bien peigné. En fait, ce n’est ni monsieur Roups le gérant de l’hôtel de la Girafe, ni l’hôtel de la Girafe qui datent de 1828, mais la girafe elle-même quand elle fut offerte par le sultan d’Égypte au roi de France comme l’expliqua monsieur Roups à Alain avant qu’il lui pose la question car bien évidemment tout le monde lui pose la question.
Ce soir-là Alain n’était pas d’humeur à rire suite à la rencontre avec son frère Maurice à l’arrêt de bus le plus proche de l’hôtel de la Girafe, si proche que cet arrêt se nomme La Girafe, comme la place où nulle œuvre d’art ne rappelle le passage de la girafe en 1828, question qui revient comme un yoyo à chaque enquête de voisinage depuis cent quatre-vingt deux ans. Non, Alain n’était pas tout à fait passé sous un éléphant mais monsieur Roups lui posa la question avant d’enfiler les perles d’humour autour du cou de la girafe, une fois rassuré par son cher client qui précisa qu’il en avait vu d’autres (des éléphants ? des girafes ? ), qu’il préférait en rire.
Il rit*.
Le restaurant de l’hôtel de la Girafe se situe au dernier étage. Quant au bar, il est au rez-de-chaussée. Question de logique estime monsieur Roups en se haussant du col. Alain s’installa au bar, car l’appétit lui manquait et il avait soif. Il lui manquait aussi le courage de se hisser au dernier étage par ses propres moyens car bien que l’appétit lui manquât, il était affamé.

* cf. page 6 de la bande dessinée