« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Prospetto di nebbia

— « Bien que je me sois astreint à le faire chaque jour, il est difficile de tenir un journal de route. En écrivant ce livre, je m’aperçois combien la simple juxtaposition de faits, la notation des événements — ordinaires ou singuliers — sont impuissantes à restituer la durée réelle d’une marche. Rien ne serait plus ennuyeux — ni plus faux — qu’un livre fait de ces notes successives, enfilées bout à bout comme des perles fades car elles trahiraient justement l’ordonnance réelle et secrète du voyage. Qui dit temps dit mémoire. Qui dit mémoire dit sélection. »

Léa n’a rien noté à Ivrea (ou à peu près Ivrea), ni au retour d’Ivrea. Elle avait d’abord perçu « une blancheur étourdissante », elle retient aujourd’hui « une blancheur éblouissante ». Quant à Maurice, fixé par le panneau de signalisation et sa précision kilométrique contredisant le néant, il en revient sans cesse au blanc qui ceint la porte de La Ruelle de Vermeer, un blanc qui loin de masquer un paysage, est un paysage dans toute sa netteté, dans toute son étendue jusque dans les lointains dont personne n’a jamais pu témoigner clairement.