« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Parking de la Girafe

Monsieur Roups a au moins une bonne raison de garder l’hôtel de la Girafe malgré qu’il soit guigné sans relâche et sans vergogne par la finance pour être transformé en parking vous vous rendez compte, dit-il à Alain, un parking avec deux entrées (et deux sorties), quel emplacement en or, une entrée (et une sortie) par la tête de la girafe quand elle mâche les feuilles d’acacia, une autre (et une autre sortie) par la même tête de cette même girafe quand elle s’abreuve dans le marigot…
— Vous imaginez un peu, un parking !
Et puis, voyez-vous monsieur Alain, le seul reproche que j’aie jamais entendu sur mon hôtel c’était que je n’avais pas de parking, alors, je ne vais pas laisser faire un parking sans hôtel !
Un parking sans hôtel !
C’est pour qu’il demeure à l’abri, monsieur Alain, voilà la raison, qui soit protégé de la pluie, je parle un peu de vous, monsieur Alain, et de vos semblables, des intempéries en général, quel que soit le temps, un abri propre et sûr pour des gens, sympathique aussi, des voyageurs, des aventuriers un peu comme vous… des écrivains même…
On ne comprend pas toujours monsieur Roups, Irénée, ou il faut un peu de temps pour s’habituer.
Monsieur Roups est comme ça depuis 1828.
En 1828, on ne parlait pas tellement de parking.
On ne parlait pas tellement de cinéma non plus, mais monsieur Roups aurait préféré, tant qu’à faire, un cinéma La Girafe.
— J’imagine mieux un cinéma plutôt qu’un parking, pas vous ?
On y projetterait des films d’explorateurs, j’adore les films d’explorateurs.
Je vous verrai bien en faire un formidable sur la Patagonie, monsieur Alain ?
— Sur la Tasmanie plutôt.