« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

L’usage de la poste

— « Un séjour perdu sans commodités, on le supporte ; sans sécurité ni médecins, à la rigueur ; mais dans un pays sans postiers, je n’aurais pas tenu longtemps. Pendant des années, à travers la neige, le sable ou la boue, le chemin de la poste fut un chemin rituel. À Tabriz, les lettres poste restante parvenues à bon port étaient exposées — comme le fruit d’autant de miracles — dans une vitrine grillagée dont le sous-directeur conservait la clef, passée à sa chaîne de montre. On ne s’en tirait donc jamais sans une visite à ce personnage, et quelques thés de rigueur. »
— C’est pour Alain ça, il faudra que je lui lise à l’occasion.
— Il l’a déjà lu !
Objectivement, Maurice a parlé brusquement à Léa.
Léa ne s’offusque pas de cette brusquerie. Elle n’a entendu de point d’exclamation ou, s’il y était, son rôle était négligeable. En revanche, elle a perçu un « Oh la la » non pas agacé mais affectueux. Léa se plaît à entendre chaque nuance dans les inflexions de Maurice à qui elle ne demande pas de se muer en crooner.

Le facteur passe entre huit heures et huit heures un quart à l’hôtel de la Girafe. Quand il y est dès huit heures, il prend un café-un-sucre-et-demi avec monsieur Roups qui ne le retient pas au-delà des nécessités du service. Le plus souvent Alain dort encore — ou pas encore. Comme il n’attend rien du facteur (en principe), il peut dormir tranquille (c’est vite dit) — ou chercher le sommeil qui le fuit (toujours ce satané décalage horaire !)
Ces jours-ci il s’est mis en tête qu’il attendait une lettre de Joséphine. Ça fait trois ou quatre fois qu’il prend un café avec le facteur et monsieur Roups.