« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

La Vallée des Dieux

Ces derniers temps, Maurice lave les vitrines de la zone d’activité commerciale La Vallée des Dieux. L’amplitude du geste lui plaît, les éphémères traces savonneuses comme les reflets obtenus le confortent dans ses pensées qu’il croit lire sur ces écrans.
— « Vue de près, la propriété de Triste-le-Roy abondait en symétries inutiles et répétitions maniaques : à une Diane glaciale dans une niche sombre correspondait une autre Diane dans une seconde niche ; un balcon se reflétait dans un autre balcon ; un perron double s’ouvrait en une double balustrade. Un Hermès à deux faces projetait une ombre monstrueuse. »

Hier, Léa avait lu gaiement cette sinistre affaire de meurtres en série géométrique.
— « Il monta par les escaliers poussiéreux à des antichambres circulaires ; il se multiplia à l’infini dans des miroirs opposés ; il se fatigua à ouvrir et à entrouvrir des fenêtres qui lui révélaient, au-dehors, le même jardin désolé, vu de différentes hauteurs et sous différents angles ; à l’intérieur, des meubles couverts de housses jaunes et des lustres emballés dans de la tarlatane. Une chambre à coucher l’arrêta ; dans cette chambre, une seule fleur et une coupe de porcelaine : au premier frôlement, les vieux pétales s’effritèrent. Au second étage, le dernier, la maison lui parut infinie et croissante : La maison n’est pas si grande, pensa-t-il. Elle est agrandie par la pénombre, la symétrie, les miroirs, l’âge, mon dépaysement, la solitude. »