« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

À la porte

— « Certains d’entre vous, nous le savons tous, sont pauvres, trouvent la vie dure, ouvrent parfois, pour ainsi dire, la bouche pour respirer. Je ne doute pas que certains d’entre vous qui lisez ce livre sont incapables de payer tous les dîners qu’ils ont bel et bien mangés, ou les habits et les souliers qui ne tarderont pas à être usés, s’ils ne le sont déjà, et que c’est pour dissiper un temps emprunté ou volé que les voici arrivés à cette page frustrant d’une heure leurs créanciers. »
Léa sursaute. Maurice regarde vers la porte. Ristourne se blottit derrière le canapé.
Fausse alerte. Le terme n’est que demain.
— « Que basse et rampante, il faut bien le dire, la vie que mènent beaucoup d’entre vous, car l’expérience m’a aiguisé la vue ; toujours sur les limites, tâchant d’entrer dans une affaire et tâchant de sortir de dette, bourbier qui ne date pas d’hier… »
Si, on frappe à la porte, frapper c’est trop dire, on toque, en tapinois, c’est encore trop, on s’apprête en regardant la porte aveugle, y cherchant un miroir pour parfaire son nœud de cravate ou on glisse un peigne dans ses cheveux brillantinés et lustre d’un revers de manche ses souliers vernis. On mesure son souffle.