« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

En quête de sommeil

Léa n’a pas manqué de noter un retournement dans les habitudes nocturnes de Maurice. Quand Léa dort, Maurice essaie de dormir. Comme un voyageur soumis au décalage horaire, il presse le sommeil de l’envahir en usant de savantes manœuvres. Quand ça ne marche pas, Maurice va faire un tour, le temps que la nuit l’effraie suffisamment.

— Schütz,
Rosenmüller,
Erlebach,
Kuhnau,
Biber,
Schmelzer,
Westhoff,
Buxtehude,
Graupner,
Schenk,
Händel,
Telemann,
Heinichen,
Hasse,
Abel,
Keiser,
Schelle,
Fux,
Knüpfer,
Schaffrath,
Mattheson,
Vilsmaier,
Weckmann,
Böhm,
Graun,
Böddecker,
qui sont tous ces Allemands, Maurice ?
— Et encore, Léa, il y manque toutes les générations de Bach, de Johann jusqu’à Johann Christian, au minimum. Je ne dors jamais avant d’avoir énuméré l’ensemble des branches de la famille, et si le sommeil me fuit encore, je les répète sur le mode de la fugue.
Léa ignorait jusqu’à ce jour que Maurice fût musicien, hormis ses aptitudes pour la valse, voire le tango.
Avant d’aimer la musique, Maurice aimait le nom des musiciens.
— C’est aussi ma manière d’aimer l’Allemagne.