« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Comment Rembrandt rejoignit Vermeer

Léa lit, mais la profondeur du silence — il ne serait pas excessif de le qualifier de spirituel —, aurait obligé Maurice à fuir cette pression insoutenable — le chapeau sur la tête il esquissait le premier pas — s’il n’avait été stoppé aussitôt.
Il garda le chapeau pour écouter Léa.
— « Invariablement cela le ramenait de nombreuses années en arrière, à une exposition Rembrandt du Rijkmuseum d’Amsterdam, où il n’avait pas été capable de s’arrêter devant les chefs-d’œuvre de grands formats mille et une fois reproduits mais en revanche était resté longtemps devant un petit tableau d’environ vingt centimètres sur trente provenant, si sa mémoire est bonne, de la collection de Dublin, et représentant, indiquait la légende, la Fuite en Égypte, bien qu’il n’ait pu y reconnaître ni le saint couple, ni l’Enfant Jésus, ni même le mulet, seulement, au milieu du vernis noir et brillant des ténèbres, la minuscule tache d’un feu qui encore aujourd’hui, dit Austerlitz, continue de briller devant mes yeux. »

Soudain joyeux, Maurice revint sur son expédition hollandaise qui, maintenant que ses rêves ont circonvenu la réalité, le voit s’élancer pour Amsterdam sur un improbable vélo Pedersen telle une goélettes portée par le vent et, surpris par un froid polaire spontané, patiner au retour sur les canaux devant une kyrielle de moulins sur leur trente et un.
— Je m’en suis tenu à La Ruelle de Vermeer. J’ai peut-être eu tort.