« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Retour sur les côtés

— « Ce petit lac était sans prix comme voisin dans les intermittences d’une douce pluie d’août, lorsque à la fois l’air et l’eau était d’un calme parfait, mais le ciel découvert, le milieu de l’après-midi avait toute la sérénité du soir, et que la grivette chantait tout à l’entour, perçue de rive à rive. Un lac comme celui-ci n’est jamais plus poli qu’à ce moment-là ; et la portion d’air libre suspendue au-dessus de lui était peu profonde et assombrie par les nuages, l’eau, remplie de lumières et de réverbérations, devient elle-même un ciel inférieur d’autant plus important. Du sommet d’une colline proche, où le bois avait été récemment coupé, il était une échappée charmante vers le sud au-delà de l’étang, par une large brèche ouverte dans les collines qui là forment la rive, et où leurs versants opposés descendant l’un vers l’autre suggéraient l’existence d’un cours d’eau en route dans cette direction à travers une vallée boisée, quoique de cours d’eau il n’en fût point. Par là mes regards portaient entre et par-dessus les vertes collines proches sur d’autres lointaines et plus hautes à l’horizon, teintées de bleu. »

— Ça me rappelle la promenade avec Sara quand j’ai perdu mes bottes, quand on a découvert la bibliothèque des livres qui n’ont pas encore été écrits.
— C’est en effet un des côtés possibles pour aller là-bas.
Léa saisit un autre livre peuplé d’images inquiétantes.
— « La plaie du crépuscule commence à éclairer un bois, on y décèle des animaux agissant comme des enfants, derrière ces agissements, des hommes en costume gèrent des négociations en quelques sales poignées de mains, derrière le masque de ces enjeux, nés des pulsions irrépressibles, d’une force non muselée, sourd une menace, réelle ou supposée, et cette menace envahit tout. On dit que les reliques d’anciennes croyances seront réactivées lorsque l’homme-loup de l’antique forêt obscure sortira du bois. »