« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Impedimenta

Quand Maurice et Léa se sont installés au 87 boulevard de la Fraternité, au septième étage sans ascenseur, la légèreté de leur équipage, c’est-à-dire, en gros, de quoi se changer trois fois avant de retourner au lavomatic, de quoi se coucher, une couette, deux oreillers à petits carreaux bleu de Prusse et un plaid à grands carreaux jaune de Naples que Léa avait coupés elle-même à partir de chutes chez Multi-Tissus. Et chacun dans sa poche son livre de chevet.
Le chat s’installa le lendemain quand il découvrit le plaid. Léa le nomma Ristourne alors que Maurice aurait secrètement préféré Sherwood.
Les cartons de livres sont la plaie des déménagements. Outre leur poids qui double à chaque étage comme dans l’histoire du grain de riz chinois, le déballage, le rangement et le classement des livres découragent les militants les plus convaincus de la cause littéraire.
Les livres les attendaient sur tous les murs disponibles. Leurs prédécesseurs seraient-ils partis à la cloche de bois ? Le propriétaire leur avait-t-il donné congé avec cette somme de livres pour solde de tout compte ? Ni Maurice, ni Léa ne se posa cette question. Léa les lit. Maurice l’écoute les lire.
Léa tiqua devant le classement alphabétique qui lui paraît toujours vouloir donner des ordres.
Un marque-page signale le passage de Mes Amis où Bove écrit : « Le propriétaire m’a donné congé. Il paraît que les locataires se sont plaints de ce que je ne travaillais pas. Pourtant, je vivais bien sagement. Je descendais doucement l’escalier (…) »