« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Après la dispersion

« Rentré chez lui, il passa sa robe de chambre, enfila ses pantoufles et se mit à lire un roman. Sa femme n’était pas rentrée. Mais une demi-heure ne s’était pas écoulée qu’il entendit tinter la sonnette dans le vestibule et que les pas de Pierre, qui courait ouvrir, résonnèrent sourdement. C’était Julia. Elle entra dans le cabinet de son mari en pelisse, les joues rougies par le froid. »

Maurice sursauta. Il lisait Trois années de Tchekhov quand Léa rentra. Il ne s’étonna pas de la coïncidence. Maurice n’avait d’autres croyances que les coïncidences. Ristourne frayait le passage en ignorant la loi du plus court chemin d’un point à un autre.
— Maurice, tu ne sais pas qui j’ai rencontré à la manif ?
— Alain.
Maurice n’a pas hésité, seulement surpris par la défaillance de la voix de Léa, déjà voilée d’ordinaire.
Lucinda n’a pas remplacé Léa ce matin. Elle ne s’est pas rendue à Pridami. Elle a marché sur les boulevards, avec tous les autres, où elle a perdu sa voix.
— Comment tu le sais ?
— Je n’ai vu que lui.